Projet

L’accélération des EnR à l’école de la démocratie directe

Le 27 février 2023

M. le maire de Ménil-la-Horgne, Claude Kaiser, sur le site du projet agrivoltaïque lors de la journée de concertation du 24 janvier 2023.

À Ménil-La-Horgne, petit village de 190 habitants dans la Meuse, M. le maire Claude Kaiser et son conseil municipal pratiquent la démocratie directe.

« Une conviction personnelle à laquelle ont adhéré les concitoyens » explique le premier édile, qui ajoute aussitôt : « je ne représente qu’une seule voix et elle ne compte pas plus que celles des autres ».

Autodidacte sans formation particulière après le bac, ancien fonctionnaire des impôts pendant 40 ans et actuellement en pré-retraite, Claude Kaiser se définit simplement comme un « citoyen intéressé par l’importance de la vie politique ».

Rencontré à l’heure du déjeuner pour préparer la première réunion de concertation de notre projet agrivoltaïque sur sa commune, l’élu pique la curiosité de tout interlocuteur s’intéressant aux démarches participatives quand il confie : « aux dernières municipales, notre liste a proposé l’idée d’une Assemblée citoyenne. Très vite, cela a parlé à tout le monde ».

Après son élection au mois de mai 2020, une Assemblée citoyenne a en effet été instituée au sein de laquelle tout le monde peut débattre d’un projet selon une gouvernance simple : si une idée obtient une nette majorité, elle est ensuite adoptée par délibération du conseil municipal.

« Quand plus de 40 personnes, dans 3 réunions successives, votent en faveur d’un projet d’énergie renouvelable tel que le vôtre, quel confort pour un élu » souligne Claude Kaiser qui prend plaisir à saluer « la sagesse dans l’intelligence collective de notre Assemblée citoyenne ».

Une anecdote pour l’illustrer : celle du projet de terrain multisports proposé par les habitants et auquel il ne croyait pas.

Il développe : « J’étais contre l’idée d’un city stade. Ici c’est la campagne, je pensais que nous n’avions pas besoin d’un truc en synthétique, que cela ne faisait pas sens. Mais l’Assemblée citoyenne a approuvé le projet à une écrasante majorité. Alors nous avons cherché des subventions et j’ai fait du porte à porte pour présenter différentes hypothèses. Nous avons ainsi rajouté un terrain de pétanques à côté du stade, avec un barbecue municipal, et puis des bancs pour les plus anciens, et nous avons maintenant toutes les générations réunies qui se voient et se parlent. Après coup, je pense que c’est génial. Un conseil municipal ne serait pas parvenu à ce résultat. Le succès de ce résultat repose aussi sur un principe fondamental : l’engagement moral du conseil municipal de respecter les décisions prises par l’Assemblée citoyenne. »

Si l’on exclue la cinquantaine de jeunes et la vingtaine de personnes très âgées, cette enceinte peut espérer réunir jusqu’à 120 personnes. « 90 personnes ont déjà participé au moins une fois à une assemblée, c’est considérable. »

Pour communiquer avec elles, les informer d’une nouvelle idée, d’une prochaine session ou d’un événement, pas de site internet. Simplement un compte Telegram où presque tous les « Horgnots » sont connectés, sans oublier le bulletin municipal pour les quelques personnes allergiques au téléphone portable.

« Les Horgnots, justement, c’est le nouveau sujet d’actualité sur notre messagerie. Nous avons demandé au groupe de nous trouver un nouveau nom d’usage plus joli et surtout facile à féminiser. Nous avons déjà reçu bon nombre de propositions » confie Claude Kaiser. L’Assemblée citoyenne sera invitée à trancher sans doute avant le printemps.

« La démocratie directe, c’est simplement amener les gens à la politique dans le sens le plus noble du terme qui est de gérer la cité. Nous n’avons pas l’impression de faire quelque chose d’extraordinaire. Nous sommes seulement les Monsieur Jourdain de la démocratie » résume M. le maire qui a déjà exercé un premier mandat de 2001 à 2008.

Sa préoccupation écologique de l’époque, plutôt que les énergies renouvelables, était surtout le projet d’enfouissement des déchets nucléaires radioactifs dévoilé dans les années 1990, localisé quelques kilomètres plus au sud dans la commune de Bure.

« Mon engagement pour la démocratie vient de là, quand j’ai vu que les populations n’étaient consultées à aucun moment. J’étais un Républicain bon teint, qui croyait à la force des institutions. J’ai mué en militant écolo » commente-t-il aujourd’hui.

Quelques années plus tard, en 2019, ce sont les gilets jaunes qui font beaucoup parler d’eux dans une commune voisine, Commercy, lieu quotidien de différents groupes et d’expériences de contre-pouvoir communal comme l’Assemblée des assemblées et la Commune des communes.

« Des milliers de personnes venaient de toute la France pour comprendre comment réorganiser la société selon une gouvernance horizontale et non verticale, sans personnalité représentative autoproclamée. Les décisions devaient venir de la base, c’était très constructif » se souvient Claude Kaiser, lecteur assidu de quelques auteurs théoriciens emblématiques de la démocratie directe, du confédéralisme démocratique et du municipalisme libertaire, en particulier Pierre Bance et Murray Bookchin.

Il a noué des liens aujourd’hui avec la philosophe et traductrice d’Aristote, Annick Stevens, spécialiste de la démocratie athénienne qui a fondé l’Université populaire de Marseille. « Nous nous appelons en visio pour travailler ensemble. Elle soutient une thèse selon laquelle le système idéal serait de découper les villes en quartier de 500 à 1000 habitants pour leur octroyer une autonomie décisionnelle ».

Est-ce que M. le maire de Ménil-La-Horgne échange avec ses collègues homologues de la Meuse sur tous ces sujets d’organisation d’un nouveau contrat social ?

Il répond avec un sourire bienveillant : « Il sont un peu réticents, ils n’y croient pas ou alors ils disent que ça ne marcherait pas chez eux. J’ai essayé de tisser des liens avec d’autres communes en France qui fonctionnent un peu comme nous, mais elles font surtout du participatif, elles se limitent à prendre l’avis des citoyens, certaines poussent très loin la concertation mais cela reste toujours consultatif. La décision reste l’apanage du maire, ce n’est pas vraiment incitatif. Nous sommes hélas à ma connaissance la seule commune de France à fonctionner comme cela. L’idée serait d’exporter le concept. J’y travaille. »

À l’heure où la France se dote pour la première fois d’une loi pour accélérer les énergies renouvelables, que d’aucuns décrient pour les complexités introduites par les mesures de planification, la démocratie directe de Ménil-la-Horgne atteint cet objectif en transparence et en confiance. Sans doute parce qu’elle donne envie à la majorité des habitants, par trop souvent silencieuse, de s’exprimer en toute proximité et simplicité.

Une belle histoire à raconter ? « Possible », répond avec malice Claude Kaiser avant d’ajouter : « Je ne suis pas un fou furieux qui nie la décision institutionnelle. Mais les débats publics, c’est pour la couleur des papiers peints. Si on ne peut pas discuter de la finalité, c’est de la démocratie cause toujours. »

Fin janvier, il s’attendait à voir peu de participants à notre journée de concertation, « puisque l’Assemblée citoyenne a déjà dit oui à votre projet ». Nous étions quand même une trentaine. Enseignement principal des échanges : la nécessité d’appréhender dans un même ensemble les projets d’énergie renouvelable quand ils sont adjacents.

Des ballades organisées sur sites par la mairie doivent permettre aux membres de l’Assemblée citoyenne de se rendre compte des co-visibilités et de décider des mesures d’insertion les mieux adaptées. Les paysages aussi sont à l’école de la démocratie directe, et c’est tant mieux.

« Quand plus de 40 personnes, dans 3 réunions successives, votent en faveur d’un projet d’énergie renouvelable tel que le vôtre, quel confort pour un élu. »

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